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  • Photo du rédacteurOlivier Scars

VISITE ET DÉGUSTATION CALVADOS COMTE LOUIS DE LAURISTON / LELOUVIER



De retour dans le Domfront, cette fois-ci à la découverte de grandes maisons de Calvados aux méthodes de production très différentes de celles que j’ai pu visiter jusqu’à lors : COMTE LOUIS DE LAURISTON et LELOUVIER.

Avant d’aller plus loin, je vous encourage à lire ou relire mon article sur les Calvados Domfrontais DIDIER LEMORTON pour connaître les spécificités de cette AOC CALVADOS DOMFRONTAIS et la méthode de production de ces Calvados.




CALVADOS COMTE LOUIS DE LAURISTON



Après une longue route pour arriver jusqu’à Domfront au siège des calvados Comte Louis De Lauriston, je suis accueilli par DIDIER THOMAS, véritable gardien du temple des CHAIS DU VERGER NORMAND.

Cet homme passionnant me raconte alors l’histoire des Calvados du Domfront et de ces distillateurs dont les aventures n’ont rien à envier à celles des flibustiers caribéens et du rhum.


Pour comprendre comment les Calvados COMTE LOUIS DE LAURISTON sont produits, il faut se plonger dans l’histoire de cette région et des lois encadrant le métier de bouilleurs de cru. Les bouilleurs de cru sont des distillateurs ambulants qui se déplacent de ferme en ferme pour distiller le cidre des producteurs récoltants.

Le privilège phare de ce travail, à condition d’être soi-même exploitant de fruits, est d’avoir le droit de distiller jusqu’à 10 litres d’alcool pur par an sans aucune taxe gouvernementale pour sa consommation personnelle et celle de sa famille (loi datant du Consulat).

Dans un contexte de taxes gouvernementales très élevées sur l’alcool, de nombreux bouilleurs de cru s’étaient habitués à ne pas déclarer à l’administration fiscale l’intégralité de leur production de manière à vendre sans taxe une bonne partie de celle-ci. Ce déficit pour l’État associé à une politique de lutte contre l’alcoolisme a conduit le gouvernement dans les années 50 à vouloir abolir ce privilège.


Pour avoir arpenté moi-même en voiture de long en large le Domfront, je peux affirmer que cette région faite de bocages et de petites routes sinueuses devaient être très difficiles d’accès dans les années 50-60.

Ainsi, on peut tout à fait comprendre comment cette région a pu devenir le berceau d’activités clandestines majeures dans le monde du Calvados puisqu’il suffisait aux distillateurs d’attendre les nuits agitées par une météo hivernale terrible pour se mettre à distiller, puis à cacher aux autorités administratives une bonne partie des eaux-de-vies ainsi produites.


Arriva une nuit de 1962 où des agents administratifs plus téméraires que leurs collègues décidèrent de débarquer sans crier gare chez des fraudeurs en pleine action. L’alerte fut donnée par leurs proches et les agents de l’État furent bientôt encerclés par des agriculteurs voisins venus à la rescousse de leurs amis en difficulté. Routes barrées par des tracteurs et échanges agressifs créèrent très rapidement une ambiance électrique qui aurait pu dégénérer.



Heureusement le COMTE LOUIS DE LAURISTON, secrétaire général de la Fédération des exploitants agricoles d’alors, fut prévenu à la hâte et réussi à jouer les médiateurs. Après de multiples palabres, l’issu fut heureuse pour les différents partis, puisque aucune amende ne serait dressée à l’encontre des contrevenants à condition qu’une cave commune soit créée pour y accueillir les calvados des différents producteurs répondant à toutes les contraintes légales.

Apprécié et bénéficiant de la confiance de tous, le Comte Louis de Lauriston s’engagea à créer ce chai commun qu’il baptisa LES CHAIS DU VERGER NORMAND et qui aurait pour but de commercialiser les Calvados créés par les différents producteurs domfrontais.

En 1992, une collaboration se mit en place avec CHRISTIAN DROUIN dont je vous reparlerai plus en détails dans un prochain article, et la marque de CALVADOS COMTE LOUIS DE LAURISTON lui fut cédée à la condition de toujours respecter la qualité et le savoir-faire domfrontais.



Après ces rappels historiques passionnants, Didier Thomas m’emmène dans le chai de vieillissement coopératif dont l’immensité et la beauté me laissent sans voix. Je découvre un merveilleux endroit rempli de fûts de tailles et de provenances différentes et je comprends alors que les calvados de la marque Comte Louis de Lauriston sont des assemblages de Calvados de producteurs différents.

Ce travail d'élevage réalisé par GUILLAUME DROUIN (le fils de Christian Drouin) secondé par Didier Thomas est véritablement dantesque puisqu’il consiste à récupérer des eaux-de-vie de cidre tout juste distillées issues de plusieurs producteurs, à choisir dans quel fût les faire vieillir, à contrôler leur vieillissement, puis enfin à les assembler.





Concernant le cahier des charges de l’AOC CALVADOS DOMFRONTAIS, il faut garder en tête que le distillat doit être produit en un seul passage par un alambic à colonne et doit contenir au moins 30 % de poires, les Calvados Comte Louis de Lauriston en contenant plus de 70 à 80 % (il existe même un plus de 90% de poire dans la gamme).







Après avoir slalomer entre les fûts de ce magnifique chai, Didier m’emmène dans la salle de dégustation. J’y découvre une gamme extrêmement fournie contenant des calvados de compte d’âge allant jusqu’à 50 ans d’âge et un immense panel de millésimes allant de 1958 à 1996.


Mon hôte me propose alors une verticale de quasiment tous les millésimes pour que je puisse me faire une idée complète de la marque. On passe alors quasiment deux heures à déguster, échanger et comparer nos points de vue sur chacun d’entre eux sous les yeux hébétés d’autres clients et notamment un couple d’australiens très  sympathiques fan de calvados et visitant la région pendant cet hiver 2019.







Lors de cette dégustation incroyable, de nombreux millésimes retiennent mon attention, mais c’est finalement sur le millésime 1978 que je jette mon dévolu.










CALVADOS COMTE LOUIS DE LAURISTON 1978 40 ans 42%



Il s'agit donc d'un Calvados AOC Domfrontais de la marque Comte Louis de Lauriston, assemblage d'eaux-de-vie issus de plusieurs producteurs, puis vieilli 40 ans avant d'être embouteillé à 42%.




La couleur est acajou.

Le nez est intense. On retrouve des notes de poires cuites associées à des notes de fruits secs et d’épices (muscade).

La bouche est dans la lignée du nez portée par la richesse de la poire associée à des notes de boîte à cigare, de fruits confits et d’épices à nouveau.

Très belle longueur.

Un superbe Calvados domfrontais tout en maitrise : ⭐️⭐️⭐️⭐️






CALVADOS LELOUVIER



Dans les Chais du Verger Normand se trouve également depuis quelques années les fûts permettant la création des CALVADOS LELOUVIER.

ANDRE LELOUVIER était un négociant en vin et spiritueux jusqu’au jour où il se lança dans l’élevage de calvados. Pour rappel, ce terme désigne le fait de sélectionner des eaux-de-vie de cidres dès leur sortie d’alambic chez différents producteurs, puis leur mise en vieillissement (avec hoix des fûts), leur suivi et leur assemblage permettant finalement d’obtenir ses propres Calvados. Le même travail en somme que pour la création des Calvados Comte Louis de Lauriston dont nous venons de parler.



Son fils CHRISTIAN LELOUVIER pris la suite et perpétua la marque Lelouvier en poursuivant l’élevage des calvados dans la résidence familiale du domfrontaise jusqu’à son décès en 2016, date à laquelle la famille Lelouvier proposa à CHRISTIAN DROUIN de reprendre la marque pour éviter que celle-ci ne disparaisse.


Les fûts constituant les calvados Lelouvier ont donc été rapatrié aux Chais du Verger Normand à Domfront dans un souci logistique.

Ces calvados répondent aux critères de l’AOC CALVADOS qui impose une seule distillation en alambic à colonne, mais ne fixe pas de pourcentage de poires à la différence de l’AOC Calvados Domfrontais.




Pour éviter de refaire la route jusque dans le Domfront, Guillaume Auray qui travaille pour les Calvados Christian Drouin me propose de venir réaliser une dégustation des Calvados Lelouvier à la distillerie Christian Drouin. Je prends donc la route et en 1h à peine me voilà arrivé dans ce magnifique lieu que je connais bien.

Didier Thomas qui travaille aux Chais du Verger Normand et dont j’ai parlé plus tôt nous a préparé avec soins des échantillons de tous les millésimes de la gamme Lelouvier. Celle-ci est faite de Calvados d’assemblages d’âges différents et surtout de millésimes allant de 1958 à 2004.


Cette fois encore, je me retrouve pour mon plus grand bonheur à passer environ 2h avec mon hôte à converser, à échanger nos impressions sur les millésimes et à en apprendre un peu plus sur nos vies respectives.

Echanges ponctués de discussions passionnantes avec Guillaume Drouin, puis avec Christian Drouin.



Au terme de ce très bon moment extrêmement instructif tant sur le plan des spiritueux que sur le plan humain, nous retenons les millésimes 1964, 1971, 1972, 1975 et 1980 avec une préférence pour ma part pour les millésimes 1964 et 1972.




CALVADOS LELOUVIER 1964 54 ans 42%



Il s'agit donc d'un Calvados AOC de la marque Lelouvier, assemblage d'eaux-de-vie issus de plusieurs producteurs, puis vieilli 54 ans avant d'être embouteillé à 42%.




La couleur est ambrée foncée avec des reflets plus ternes.

Le nez est opulent sur des notes boisées fondues, ainsi que des notes de fruits caramélisés (poire et pomme) et d’épices (cannelle).

En bouche, on retrouve ce beau boisé associé à des notes de pommes / poires au four et de cannelle, ainsi qu’à des notes de fruits secs (noix de cajou).

Magnifique longueur.

Un sublime calvados prouvant une nouvelle fois que le travail d’élevage offre de superbes résultats lorsqu’il est réalisé avec autant de minutie : ⭐️⭐️⭐️⭐️




MILLE MERCIS à DIDIER THOMAS et à GUILLAUME AURAY, sous l'égide de CHRISTIAN et GUILLAUME DROUIN, pour avoir rendu possible ces moments de dégustation ensemble.

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