CREDIT PHOTO : RUM AUCTIONEER
Il y a des rhums dont la rareté et la légende sont égales à leur plaisir gustatif. Ce SAINT JAMES 1885 est de ces rhums là.
J’ai longtemps lu et relu avec passion l’article de Durhum sur sa dégustation de ce rhum d’anthologie, rêvant de pouvoir moi aussi y tremper mes lèvres un jour.
J’ai eu vent de l'existence de ce rhum lors au Whisky Live parisien de 2015.
Mon ami boucher y était allé et avait pu en goûter 2cl au bar collector moyennant une cinquantaine d’euros.
Rêvant de le déguster à mon tour, je décidai de chercher une bouteille ouverte de ce rhum.
Malheureusement, et comme quasiment toutes les bouteilles de cette envergure, personne n'avait décider de les ouvrir.
Seule piste que j’avais, le Carry Nation, célèbre bar de mixologie à Marseille appartenant à Guillaume Ferroni des Rhums Ferroni, possède une extraordinaire carte de rhums dont celui-ci.
Malheureusement pour moi, pour ce genre de bouteille il fallait prévenir en amont afin que celle-ci soit rapatriée d’Aubagne jusqu’au bar marseillais.
N’étant que de passage pour la soirée, je ratai alors ce qui me semblait être ma seule chance de pouvoir y goûter.
Il me fallu finalement attendre de discuter avec un ami blogueur italien pour que celui ci me propose de m’en vendre une.
Malheureusement le prix de cette bouteille, même à l’époque, était totalement déraisonnable pour moi, car il m’était inconcevable de mettre une telle somme dans une bouteille.
CREDIT PHOTO : RUM AUCTIONEER
Il me fallait donc organiser un split, mais deux problèmes m’apparaissaient :
Qui payerait une telle somme pour un sample de 3cl simplement en me faisant confiance quant à son contenu ?
Comment ferais-je pour trouver assez de participant puisque cette bouteille à un contenance d'un litre (et non de 70cl comme habituellement) ?
Il me fallu donc user de beaucoup de relationnel et de diplomatie pour rassurer toutes les personnes qui décidaient de m'accorder leur confiance.
Ils étaient surtout français, mais également italiens, danois, belges et allemands.
Malgré tous mes efforts, il me manquait encore 7 personnes pour pouvoir conclure ce split.
Mon ami blogueur italien, au début enthousiaste à l’idée de ce split, finit par perdre patience et voulut tout annuler, ce qui m'aurait obliger à rembourser tous les participants qui m’avaient déjà virer l’argent des samples.
Parmi eux, mon ami londonien avait commenté mon annonce en disant qu’à ce prix, il souhaitait en prendre 3 !
Ayant conscience que le prix de la bouteille restait attractif par rapport au prix du marché, je l’avais pris au mot.
Celui-ci fut alors extrêmement surpris lorsque je lui demandai de me régler la somme convenue, alors qu'il plaisantait !
Heureusement pour moi, l’idée ne lui déplut finalement pas et il me confirma sa commande.
Après négociation avec le propriétaire de la bouteille, celui accepta finalement de conserver les 21cl restants, car cela restait une bonne opération pour lui qui avait acheté cette bouteille encore moins cher que le prix de split.
Afin de garantir l’authenticité du contenu des samples qu’il allait m’envoyer, ce dernier nous envoya une vidéo le mettant en scène entrain d'ouvrir la bouteille.
CREDIT PHOTO : RUM AUCTIONEER
S’en suivit un envoi depuis l’Italie d’une grosse vingtaine de samples jusqu’à chez moi.
Malheureusement la poste française ne pouvant pas déposer ce colis dans ma boîte aux lettres du fait de l’assurance souscrite, elle déposa mon colis au dépôt Chronopost situé banlieue du Havre.
C’est donc perdu dans la campagne havraise que j’allai récupérer le précieux colis jusque dans l’entrepôt du transporteur.
Ce n’est qu’une fois rentré à la maison que je pus souffler une fois ayant constaté que tous les samples étaient intacts.
Je terminai alors le travail en les envoyant séparément aux différents participants de cette folle aventure basée uniquement sur la confiance et notre passion commune du rhum et des bouteilles de légende.
Pour la dégustation, nous avions pris un sample de 3cl chacun avec mon ami Jean-Paul afin de savourer ce moment comme il se doit.
Servi en début de soirée, nous laissâmes aérés nos verres pendant une bonne heure avant de le déguster.
Quel plaisir et quelle émotion ! Un chance que je pensais alors unique de pouvoir vivre un tel moment !
Quelques années plus tard lorsque j’allais pour la première fois à Gènes à la rencontre de l’équipe Velier (cf mon article sur DIAMOND 1988 VELIER), je fus accueilli en grande pompe par Daniele Biondi qui me servi plusieurs vieux Saint James dont ce 1885.
De quoi bien débuter mon séjour !
La 3ème et dernière fois (pour le moment) que j’ai pu déguster ce magnifique rhum fût lors d’un repas au restaurant lorsque je rendais visite à mon meilleure ami italien, dîner auquel participait Stefano Cremaschi (Hidden Spirit / The Whisky Roundabout) et sa femme.
Un moment de partage aussi passionnant qu’agréable comme nos chers amis italiens en ont le secret.
CREDIT PHOTO : EXCELLENCE RHUM
Ce rhum agricole de 1885 est le 1er millésime embouteillé par Saint James à 45% dans des bouteilles de 1 litre.
Difficile de connaître précisément l’âge de ce rhum, à priori au moins 3 ans, mais potentiellement d’avantage.
Selon Durhum qui tient ses sources de Marc Sassier œnologue chez Saint James, le jus de canne était à l’époque chauffé afin d’éliminer les germes, sans toutefois arriver à l’ébullition, ce qui le différencie du sirop de canne.
Puis ce jus de canne chaud était laissé à l’air libre afin de réaliser une fermentation naturelle.
CREDIT PHOTO : LA ROUTE DES RHUMS
Ce rhum a été découvert près d’un siècle après son embouteillage.
C’est en fouillant ses archives que Saint James a retrouvé la trace d’un stock entreposé à Amsterdam dans une de ses succursale dans les années 80.
C’est Luca Gargano (patron de Velier qui avait travaillé chez Saint James) qui en fit la découverte et en acheta environ 300 bouteilles en association avec Pepi Mongiardino (patron de Moon Import) pour les importer en Italie.
Je vous encourage d’ailleurs à lire l’excellent livre de Luca Gargano intitulé « Nomade parmi les fûts » qui donne encore plus de détails sur cet événement marquant de l’histoire du rhum.
La robe est extrêmement sombre tirant vers le noir. Un café noir quasiment opaque.
Le nez est hyper concentré, le plus concentré des rhums que j’ai eu le plaisir de déguster dans ma vie avec les rums Skeldon 1973 et 1978.
Il faut laisser une heure au rhum ainsi servi pour qu’il puisse révéler son plein potentiel olfactif.
On retrouve énormément d'arômes différents qui évoluent au fil du temps.
Des notes de cuir tanné, de réglisse, de cendres, mais également de fruits secs madérisés (figue) et de noix.
En bouche, on est subjugué par la richesse aromatique.
Les 45 % sont toujours bien présents, comme si le temps n’avait pas eu d’emprise sur la fougue de ce rhum.
On y découvre des notes animales (viande séchée), de cigare, de fruits à coque, mais également une légère acidité portée sur la groseille.
Viennent ensuite les notes de réglisse et de cuir avec un boisé qui ne prend pas le dessus sur les autres arômes.
Longueur correcte.
Un rhum fabuleux, à 1000 lieues de ce que j’ai pu déguster dans ma vie portant le nom "Rhum de pur jus de canne" : ⭐️⭐️⭐️⭐️
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